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Bonnets rouges. La ligne de fracture.

Les « Breizhoù », ces autonomistes et indépendantistes bretons, plombent-ils le collectif des bonnets rouges ? Une chose est sûre : depuis l’interpellation de onze d’entre eux, en avril, certains slogans passent mal. Tensions, pressions, démissions : le mouvement cherche un nouveau souffle. Le trouvera-t-il aujourd’hui, avec les pique-niques pacifistes organisés en Bretagne.

Maintenir l’emploi en Bretagne et défendre son économie : qu’elles semblent loin les premières revendications des bonnets rouges. Depuis quelques semaines, d’autres slogans fleurissent, en faveur d’une « Bretagne libre » ou d’une « Bretagne indépendante ». Des slogans identitaires qui dérangent. « Depuis le début, il y a des tentatives de récupération, notamment par des mouvements d’extrême droite », rapporte un ex-bonnet rouge influent. Tout le monde se rappelle l’épisode des faux bonnets rouges huant Hollande à Paris, en pleine cérémonie du 11-novembre.

« Esprit de départ galvaudé »

Cinq mois plus tard, en avril, l’interpellation de onze militants bretons, soupçonnés d’avoir détruit un portique écotaxe, projeté d’autres actions coup-de-poing (*), et se revendiquant bonnets rouges, jetait à nouveau le trouble. Le commando ne comptait-il pas dans ses rangs un membre d’Adsav, parti indépendantiste breton d’extrême droite ? « Il y a autant de diversité de profils chez les onze interpellés que chez les bonnets rouges. Voilà la réalité », martèle David Rajjou, avocat de l’un des onze interpellés. Tous ont cependant un point commun : un militantisme breton très engagé, et plus ou moins débridé (notre édition du 15 mai).

Chez les bonnets rouges, l’affaire divise. Il faudra d’ailleurs plusieurs jours à la direction du collectif, hésitante, pour apporter son plein et entier soutien aux « prisonniers ». Cela ne suffira pas à calmer les débats. Accusations, pressions, menaces… Certains membres décident même, plus ou moins contraints, de quitter le mouvement. L’un des derniers épisodes en date : la démission, en mai dernier, d’un des porte-parole du collectif, Olivier Le Bras, le charismatique délégué FO de l’entreprise Gad, qui ne s’y « retrouve pas » et qui estime que « l’esprit de départ a été galvaudé ». Selon lui, le mouvement est « victime d’une récupération politique et identitaire », faisait-il savoir en mai dernier.

Attente de radicalisation

À qui profite le crime ? « C’est une tentative de déstabilisation du mouvement, assène un autre ex-bonnet rouge. Le mouvement faisait peur à l’État mais aussi aux syndicats, aux partis de gauche, au FN et aux mouvements contestataires qui voulaient surfer sur la colère exprimée au début. Les bonnets rouges font peur car ils sont transcourants et rassemblent encore, en dehors de tout clivage, des citoyens de tous horizons… ».

Un autre ex-porte-parole, Jean-Pierre Le Mat, patron d’une petite entreprise, a, quant à lui, bruyamment quitté une manifestation de soutien aux interpellés, le 8 mai dernier. « Furieux », il avait dénoncé « des slogans qui n’ont plus rien à voir avec la défense des prisonniers et la charte des bonnets rouges », et appelait à « écarter les surenchères sur des idéologies périmées ».

Plus rien n’avait ensuite filtré. Mais en interne, le feu couvait toujours. En atteste le compte rendu de réunion du collectif, du 6 mai dernier, qui appelle à « recentrer le discours sur l’économie et l’emploi », tout en notant que « les attentes de la population des bonnets rouges sont à la radicalisation du mouvement ». Dans ce même document, le collectif demande d’intimer au bouillonnant militant breton Jean-Louis Le Cuff, référent bonnets rouges du comité de Fougères-Vitré, « de ne pas s’exprimer au nom des bonnets rouges » et de le « dissuader de s’exprimer devant les médias ». La consigne semble avoir été reçue cinq sur cinq.

Crédit : Le Télégramme
https://www.letelegramme.fr/bretagne/bonnets-rouges-la-ligne-de-fracture-14-06-2014-10211048.php#tV3DOPVsm8goiw1m.99